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Vous le saviez peut-être, en 2018 l’ESA compte lancer sa sonde solaire – Solar Orbiter – afin d’étudier notre étoile de très près. A cette occasion, Above-Earth a eu la chance de rencontrer et d’interviewer en exclusivité Claire McCrorie, ingénieure Ecossaise chez Airbus Defense and Space, la société en charge de la réalisation du satellite !
La mission de Solar Orbiter
Avec dans l’idée d’en savoir plus sur notre étoile, Solar Orbiter a comme fonction principale d’étudier le fonctionnement de l’héliosphère et les effets de l’activité solaire. L’héliosphère est une « bulle de gaz » qui est engendrée par les vents solaires (projection de particules atomiques). Ces derniers sont responsables des orages magnétiques mais également, beaucoup plus fréquemment, des aurores boréales que vous pouvez observer sur Terre au niveau des pôles.
Pour se faire, elle approchera à une distance record de 42 millions de kms. Grâce à ses différents instruments internes, elle analysera le soleil comme jamais aucun satellite ne l’a fait.
Solar Orbiter est composé de deux parties principales
Le Spacecraft (image de gauche), est le satellite en lui-même. C’est la « plateforme » qui accueillera le Payload.
Le Payload (image de droite) est l’ensemble des instruments scientifiques qui seront chargés à bord et qui effectueront les analyses.
Claire McCrorie, qui travaille en ce moment même sur la réalisation du Solar Orbiter, a eu la gentillesse de répondre à nos questions.
Propos recueillis et traduits par Cyril Plou pour © Above Earth.
Bonjour Claire, peux-tu te présenter ?
Je m’appelle Claire McCrorie et je travaille pour Airbus Defence & Space près de Londres. Je travaille sur la Sonde Solaire de l’ESA en tant qu’ingénieure architecte des Opérations et FDRI – Failure Detection Isolation and Recovery – (comprenez : Mise en avant des pannes éventuelles et « réparations »). Je travaille dans cette société depuis 15 ans, au début à Portsmouth (sur la côte sud de l’Angleterre). A l’époque, je travaillais sur la navigation et les télécommunications des satellites. Ensuite je suis allée à Munich où j’ai travaillé sur le 1er satellite Galileo, qui est le satellite Européen de système de navigation.
Peux-tu nous expliquer en quoi consiste ton travail exactement ?
J’ai deux responsabilités principales :
Dans un premier temps, je suis responsable des opérations du satellite, ce qui veut dire que je dois écrire le manuel – comme quand tu achètes une télévision, un satellite est « livré » avec un manuel – . Il est donné aux opérateurs au sol pour leur permettre de piloter le satellite. ESOC, le centre des opérations de l’agence spatiale Européenne est situé à Darmstadt en Allemagne et sera en charge des manœuvres du satellite. Le manuel décrit donc l’utilisation de la sonde – Ce à quoi elle ressemble d’un point de vue mécanique, thermique et peut-être le plus important, ce que les logiciels internes permettent de faire. Mais il décrit également comment les différents équipements se comportent entre eux, comment orienter les panneaux solaires pour qu’ils ne surchauffent pas et comment orienter les antennes pour communiquer avec la Terre.
En plus du manuel, nous décrivons les procédures de vols. Ce sont ces procédures que les opérateurs doivent suivre afin de piloter et utiliser le satellite. C’est une suite de procédures à suivre, qui seront envoyées à Solar Orbiter. Ce dernier confirmera les ordres reçus et que tout se passe bien. Ces procédures servent à l’organisation des données et du stockage, l’allumage et la configuration des différents instruments scientifiques à bord, l’orientation des panneaux solaires et des antennes mais également aux procédures de réparations en cas de panne.
La deuxième partie de mon travail est donc le FDIR – Détection des pannes, isolations et réparations-. Une fois que le satellite a été lancé, il est bien sûr beaucoup plus difficile de réparer ce qui ne va pas (ce n’est pas comme pour Hubble, où vous avez la possibilité d’envoyer une navette spatiale pour le réparer). C’est pourquoi nous faisons en sorte que des logiciels « intelligents » puissent réparer les pannes d’eux-mêmes. Nous nous assurons que chaque élément présent à bord soit présent en double, afin que si l’un d’entre-eux tombe en panne, celui en plus puisse prendre le relais.
Ensuite nous analysons chaque équipement afin d’essayer de prévoir les pannes les plus probables pour chacun d’eux. Nous développons des logiciels qui sont capables de détecter les pannes, ou tout du moins les choses qui ne vont pas. Lorsque l’on trouve quelque chose, nous créons des procédures qui permettent d’éteindre l’équipement défaillant et d’allumer son relais. Nous nous assurons ainsi que le satellite soit fonctionnel et en sécurité à n’importe quel moment. Mon travail est donc de préparer le satellite à ces éventuelles pannes et de pouvoir les résoudre en interne grâce aux logiciels.
Les procédures que tu mets en place sont donc testées avant le lancement. Y-a-t-il beaucoup de « mauvaises surprises » et à quoi sont-elles dûes en général ?
On pousse les tests aussi loin que possible. Les procédures de vol sont testées au sol, ou lorsque ce n’est pas possible, directement dans un simulateur. De cette manière nous sommes sûrs que tout ce que nous avons construit fonctionne correctement.
Il y a toujours des surprises mais comme je le disais avant, nous lançons des analyses de ce qui pourrait tomber en panne. Bien entendu, une fois dans l’espace, c’est souvent quelque chose de totalement différent qui pose problème, voire une combinaison de plusieurs éléments qu’il nous était impossible de prévoir.
C’est ce qui fait que mon métier est intéressant. Et si nous avons correctement mis en place nos procédures, il y a toujours un moyen de contourner les soucis et de remettre le satellite à neuf.
Les différents instruments du satellite sont conçus par différentes sociétés à travers l’UE et vous êtes en charge de l’assemblage final. Est-ce compliqué d’un point de vue technique de travailler avec autant de nations ?
C’est sûr que c’est un défi. Il y a 10 instruments sur la sonde solaire et bien sûr ils fonctionnent tous un peu différemment. Peu importe si tu essaies de standardiser les interfaces et les différents aspects, il y a forcément des variations si vous avez 10 équipes différentes venant de pays différents. Mais c’est ce qui rend le travail encore plus intéressant et qui fait que les journées ne se ressemblent pas.
Le secteur de l’ingénierie et de l’astrophysique est un milieu très masculin, est-ce difficile pour une femme de faire sa place ?
Je n’ai pas trouvé ça très difficile. Lorsque j’ai commencé mes cours de math et de physique, j’étais l’une des seules filles dans la classe. Ce fut pareil à l’université. Je suis habituée de faire partie d’une minorité. Mais je trouve l’industrie de l’espace très ouverte et même quand parfois je vois de la surprise chez certains, car je ne corresponds pas au profil type de l’ingénieure, ils finissent rapidement par m’accepter lorsqu’ils voient que je fais mon travail comme n’importe qui.
As-tu toujours souhaité travailler dans ce milieu ou est-ce le hasard ?
J’ai globalement toujours voulu faire ça. Plus jeune, je voulais être pilote dans la Navy mais ma vue n’était pas assez bonne. Donc la meilleure chose pour moi si je ne pouvais pas piloter des avions, c’était de les construire. J’étais douée en physique et en math donc m’engager dans la voie de l’aéronautique était logique. A la fin de mon cursus, j’ai suivi quelques cours sur les systèmes spatiaux et il est difficile de ne pas être enthousiaste lorsqu’il s’agit de l’espace. J’ai donc décidé de poursuivre avec un master en ingénierie spatiale et astronautique et une fois que vous en êtes là, il n’y a plus d’autre choix qu’une carrière dans l’industrie spatiale.
Un immense merci à Claire pour son temps et ses explications !!
A great thank’s to Claire for her time and her explanations !
Sources :
http://www.space-airbusds.com/fr/
http://sci.esa.int/solar-orbiter/
©Above-Earth
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